«[…] Caricatures du Prophète, affaire Siné, etc. Comment expliquez-vous que l’islamophobie ne suscite que très peu d’indignation et que la figure du musulman prend de plus en plus place de celle du « nouveau bolchevik » ? Quels sont les soubassements idéologiques de cette posture intellectuelle ?
Difficile de parler de tout cela en quelques mots, d’autant que je prépare actuellement un livre sur ce sujet un peu compliqué. Effectivement, la figure diabolique de l’islamo-gauchiste tend à se substituer à celle du judéo-bolchevique. C’est à la fois simple et compliqué parce que je me suis rendu compte en travaillant sur la notion d’instrumentalisation que finalement le fond du discours a moins d’importance que la façon dont on l’utilise. Le racisme comme l’antiracisme peuvent être tour-à-tour instrumentalisés, en tant que discours, comme un outil : une légitimation a posteriori d’un simple rapport de forces.
Les « valeurs » sont interchangeables. Ce qui explique que toutes les cartes sont brouillées aujourd’hui et que la thèse d’Alain Finkielkraut selon laquelle l’antiracisme constituerait le nouveau totalitarisme du vingt-et-unième siècle est devenue une nouvelle tarte à la crème. L’audace apparente du paradoxe permet souvent de donner à un contresens le masque séduisant de l’idée neuve. Mais cette inversion du sens des mots cache aussi une permanence d’un discours raciste très classique. […]» (via Oumma)