«Le personnage d’Ibn Sahl dépasse donc sa manifestation comme une des modalités ou topoï du discours antijuif ou judéophobe durant l’islam médiéval en al-Andalus, activé par certains biographes ou historiens pour décrire à chaque fois une situation où la présence de Juifs dans les sphères du pouvoir politique canalise dans un récit de la frustration la perception du danger pour l’islam en tant que religion, un royaume (p. ex. le Ziride de Grenade au V/XI s.), ou la société de façon plus abstraite (cf. Brann 2002: 117), et dépasse aussi, bien entendu, le cadre général négatif des périodes antérieures, de persécutions et d’hostilités, notamment des Almoravides et des Almohades, des massacres, spécialement à Grenade en 459 (= 1066) et durant le califat de Abd al-Mu’min, des discriminations ponctuelles et conversions forcées en masse, des exils en Egypte et Palestine et dans le Nord chrétien, à Tolède, Saragosse, et même jusqu’en Provence, du statut légal inférieur et, en somme, de la condition adverse des Juifs en terre d’islam (cf. Bernard Lewis, discuté par Aberbach 2007: 40-41 ; Roth 1994: 107 sqq. ; Schippers 1994: 70). Il ne s’agit pas pour Ibn Sahl d’un processus d’acculturation d’un Juif qui, suite à la politique almohade de désintégration culturelle des minorités religieuses, “oublie” le judaïsme et l’hébreu pour exceller dans la poésie arabe, une assimilation parallèle à sa conversion à l’islam (Drory 2000: 173-4, note 18 ; López y López 2007: 106), mais d’un poète qui, indépendamment de sa foi mais non de son origine et éducation juives, maîtrise parfaitement la composition poétique en hébreu et en arabe, suivant en réalité le modèle de tous les grands poètes juifs d’al-Andalus durant les trois siècles précédents, mais démontrant davantage une attitude plus courageuse, hétérodoxe, intéressée et créative pour cette double culture, au point que seule sa poésie arabe lui donna toute sa notoriété, […].»
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